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Comment expliquer l'histoire de l'étranger a travers la mythologie

Nous sommes toujours un autre pour l’autre, étranger comme nous le sommes pour nous-même

L’étranger et la mythologie


Pour vous partager ce que le livre de Liz Greene "Chiron in Love" m'a apporté. Pour vous rendre compréhensif l’étranger et la mixité je vous amène dans la mythologie, car nous avons besoin d’un peu d'archétypes pour avoir une vue plus large, levons les yeux vers la voûte céleste.


Je vous présente Saturne et Chiron, deux figures de la mythologie Gréco-romaine. Et chacun motive un aspect de la nature humaine précise qui intervient dans l’appréciation de l’autre et ainsi dans l’appréciation de l’étranger. L’un Saturne, se caractérise par sa capacité de construire, de réaliser, de structurer. L’autre Chiron se caractérise par le dépassement de soi, la capacité d’accepter sa différence. 


Saturne est la 6-ème planète depuis le soleil, c’est la planète qui a des anneaux autour de lui. Il fait son tour autour du soleil en environ 29 ans. Saturne ou Kronos est un dieu grec. Il est le fils de Gaïa et d'Ouranos, Gaia est la terre originale, Ouranos le ciel. Il est au mariage du ciel et de la terre originelle qui donne naissance la terre et à l’humain. Pour le préserver de son père Ouranos, Maïa la terre l’absorbe dans ses entrailles, symbolisant la limite, notamment celui de l’humain dans son corps terrestre. Il est représenté avec une faux à la main pour marquer qu'il préside au temps. Aussi le temps de la vie et de la mort... 

Saturne est au chevauchement - solstice d’hiver - du temps ancien et le nouveau ce qui l’octroi la maîtrise de temps car sa naissance crée le jour et la nuit, les saisons. La limitation du temps et de l’espace crée par Saturne crée aussi la communauté. Chacun a besoin pour se situer dans le temps et l’espace de la communauté afin de garantir la survie de l’espèce. Saturne instaure les us et des coutumes. Il représente par cela la métaphore des rituels. Les us et coutumes qui sont créés deviennent le contexte de référence du groupe et de l’appartenance. Le respect des rituels permet cette appartenance.

Le cheminement de Saturne autour du soleil se fait en 29 ans environ, l’âge ou l’humain arrive à maturité, l’âge où arrive la prise de conscience et une définition des choix qui doivent être faites pour avoir sa place personnelle au milieu du groupe. « Quel est mon but dans la vie ? Que veut je devenir ? Comment je veux exister ? Qu’est-ce qu’il est important pour moi ? ». Les priorités sont mises, la compréhension que la construction est faite et qu’il est temps de s’exposer au monde et se montrer. 

Il est très difficile de se rendre compte que la structure, les us et coutumes, les rituels qui ont pour but de se protéger et de se préserver n’ouvrent pas nécessairement à des choix personnels qui permettent l’évolution. Pourquoi ? L’humain, vous, moi, est confronté à la peur. La peur de la confusion, la peur de l’inconnu, la peur surtout de ne pas faire part de la communauté et de ne pas être reconnu, ni respecté. La beauté d’une façade d’une maison qui s’intègre dans l’environnement ne dit rien de l’intérieur de ses choix propres. Il y a la façade qui crée le lien, mais les choix personnels doivent prendre leur place. Cette façade, nous appelons le masque en psychologie ou « la persona ». 


Chiron est un planétoïde qui fait une éclipse de 50 ans dans le ciel. Dans son cheminement il relie Uranus symbole de l’intemporalité et Saturne car contrairement à la plupart des autres astres, son cheminement n’est pas circulaire mais une ellipse. Cette vision spatiale est reprise dans la mythologie, son chemin céleste relie le temporaire à l’intemporel.

Dans la mythologie Chiron est un centaure, fils de Saturne et d’une nymphe, il est issu d’une tromperie, celle de Saturne qui trompe son épouse Rhéa, ce qui fait que Chiron nait homme-cheval et aussi fils de dieux et immortel. L’infidélité des dieux est un thème récurrent. La tromperie du père peut s’associer à l’abandon du vœu envers l’épouse soit son engagement envers elle. Il ne veut pas porter la responsabilité de son infidélité, il le fuit en devenant cheval. La métamorphose de Saturne fait naitre Chiron en centaure. Voilà pour la face voilée de Saturne et sa relation avec Chiron. Nous avons ici un conflit de génération entre père et fils.


Chiron se sent humilié, victime et blessé par le rejet de son père et l’abandon de sa mère, mal aimé et victime de la situation. Cela l’amène d’abord à s’apitoyer sur lui-même et à ressentir un profond sentiment d’injustice qui éveille un sentiment de rage, d’envie de vouloir chasser celui qui l’a chassé, blessé et exclu. Les centaures sont des êtres cruels, frustres et frustrés et leur nature animale est non domptée. Les instincts de Chiron sont donc profondément présents, prédominants et difficilement maitrisables. Abandonné par son père et par sa mère, il grandi dans une cave et il fait son chemin vers la sortie de cette espace confiné et caché à l’aide d’Apollon. Ce dernier prend en charge son éducation et l’initie à l’art de la guérison, de la musique, de la divination et de la chasse jusqu’à ce que Chiron arrive à maitriser sa nature animale et ses sentiment vils et qu’il comprenne les hommes. C’est sur ce chemin qu’il apprend la guérison. à travers l’apport de la nature. Il appréhende la nature extérieure par les plantes et élixirs et la nature intérieure dans une perpétuelle volonté de relier l’indomptable animal à l’instinct humain. Le travail symbolique sur les métaux, sur ses sentiments vils prend ici tout son expression. Il devient le précepteur de beaucoup d’héros mythiques car son apprentissage le rend vertueux et sage. Par inadvertance, Chiron est blessé par son ami Hercule, qui dans une chasse, le confond avec les autres centaures et le blesse avec un poison incurable. La recherche d’un remède l’avance encore plus loin sur la connaissance de la guérison. Or ici aucun remède ne peut intervenir. Lasse de la lutte contre l’inguérissable il cède son immortalité à Prométhée et choisi la mort comme solution à une douleur insoutenable. Il accepte la vision du temps.


Comme pour l’adolescent, il lui est nécessaire de dépasser l’étape où il se défini par opposition à l’autre. Cela éveille la question « je suis Qui alors ? ». Il est porteur d’un trauma de naissance, de ce que nous appelions le « péché originel » et la perçoit avec un « Pourquoi Moi ?». C’est cette douleur qu’il ressent alors qu’il n’a pas engendrée, qui s’exprime dans « C’est ne pas ma faute » Depuis son départ dans la vie, cela l’inspire à une recherche de sens et de justice et le porte vers une justice intérieure qui le rend résiliant et le compréhensif de l’autre. Il sait qu’il n’est pas dieu, ni humain, ni animal, il est les trois, il doit apprendre à ne pas se sentir « l’exclus » et il est voyageur des trois mondes et cette faculté l’amène à une vision et perspective différentes des autres. La clé dans l’histoire de Chiron n’est donc pas dans la blessure que lui inflige Hercule ; car le trauma initial est l’exclusion. Chiron accepte la mort comme aboutissement et dissolution d’une douleur incurable et par cela il intègre la dimension profonde humaine : le corps n’est pas éternel. Son parcours est le décloisonnement des frontières internes et externes. L’acceptation des trois mondes où l’homme, l’univers, le naturel sont reliés. Se sentant exclu, il doit apprendre à se définir par lui-même. Il apprend la tolérance de l’autre, issue d’un perpétuel questionnement, afin de dépasser la blessure de l’exclusion. Il intègre l’acceptation de l’autre car il doit s’accepter lui-même. Cela l’amène à une sagesse par le travail sur soi afin de mettre un terme à cette douleur. Enfin la capacité de comprendre sa douleur et celle de l’autre l’ouvre à la compassion. Cette compassion n’est pas l’empathie ni la sympathie, qui sont l’expression d’un ressenti seul, qui ôtent le libre arbitre à l’autre. Non, la compassion est cette capacité d’accepter la douleur de l’autre sans lui ôter son propre choix ni sa propre responsabilité. 


Pour résumer succinctement : Chiron représente la blessure là où Saturne jette le blâme.


Maintenant que nous avons défini la différence entre Saturne et Chiron et que nous pouvons mieux voir le conflit entre générations, nous pouvons également regarder le clivage de la société aujourd’hui avec des yeux plus conscients et se dire ‘ pas moi, je ne me laisse pas convertir dans cette nouvelle religion du Noir et Blanc de la science à tout prix. Le vrai et le faux, les valeurs de jugement, ces valeurs n’ont plus de raison d’être. ´ Nous sommes tous l’étranger de quelqu’un, souvent de nous-même.

De même que nous pouvons questionner la sécurité du groupe, ses règles, ses rituels, pour devenir soi-même et nous questionner pour aller de la structure extérieure à une structure intérieure, à la rectitude. J’assimile la rectitude à la perception d’avoir une colonne vertébrale. En dépassant notre dimension de gardien de la loi et en nous libérant de nos peurs et contraintes nous pouvons d’aller vers la dimension de la rencontre de l’autre.

Nous avons tous besoin de l’étranger, car cela nous amène à notre étrangeté. « Arrêtons de juger ! ». Si la loi se pose par le jugement, sommes-nous pas plus que la loi ? La loi peut se rigidifier et devenir dogmatique car il protège, mais ne devrions-nous pas passer par-delà afin d’atteindre la rectitude ? atteindre et intégrer la règle ? se transformer, s’enrichir ? Ouvrons notre cœur et voyageons afin que l’autre nous mette face à notre propre étrangeté.

Ce travail a élargi ma vision du temps et de l’espace. Je suis dans un ressenti et dans un jeu d’émotions, sans nier mes origines ni ma patrie avec sa structure car elle aussi travaille pour m’intégrer, moi, l’autre, l’étranger.

Et puisque nous sommes toujours un autre pour l’autre, étranger comme nous le sommes pour nous-même c’est un travail en permanence.

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